Comment évolue la notion de subvention publique dans le CIR ?
Suite à l’arrêt rendu par la CAA de PARIS en date du 18/02/2022 (n°19PA01989, Institut Forêt Cellulose Bois-Construction Ameublement), qui définissait pour la première fois la notion de subvention au sens du CIR, le Conseil d’Etat a rejeté l’essentiel des moyens soulevés par l’Institut technologique Forêt Cellulose Bois (notamment celui arguant d’une erreur de droit de la cour concernant la définition de « subvention publique »).
Cependant, il a admis les conclusions du pourvoi concernant la qualification des aides versées par l’interprofession nationale FBF. L’Institut arguait là aussi d’une erreur de droit.
Pour rappel, en application de l’article 244 quater B du CGI, les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au CIR, doivent être déduites des bases de calcul de ce dernier, que ces subventions soient définitivement acquises ou remboursables.
Le cœur du sujet étant que la notion de subvention publique n’est définie ni par la loi, ni par la doctrine administrative, la jurisprudence ayant quant à elle tranché le statut de certaines aides (PTZI et subventions CIFRE entre autres).
La CAA de PARIS dans son arrêt du 18/02/2022 était ainsi venue préciser les contours de ce qu’il fallait considérer comme une subvention publique selon les termes suivants « toute aide, versée en vue ou en contrepartie d’un projet de recherche, provenant de l’utilisation de ressources perçues à titre obligatoire et sans contrepartie, que ces aides soient versées par une autorité administrative ou un organisme privé investi d’une mission de service public ».
Il nous apparaissait alors étonnant qu’une subvention versée par un organisme privé investi d’une mission de service public (les sommes provenaient du CODIFAB (comité professionnel de développement économique institué par les pouvoirs publics, et de l’interprofession nationale France bois forêt, association à but non lucratif) puisse être considérée comme une subvention publique.
Le prêt à taux zéro est-il considéré comme une subvention publique ?
Une nouvelle jurisprudence (janvier 2023) tranche sur le faut que le prêt à taux zéro innovation (PTZI) est une subvention publique indirecte qui doit être déduite des bases de calcul du crédit d’impôt recherche.
Dans cette affaire, les juges ont considéré qu’un prêt à taux zéro pour l’innovation s’assimilait à une subvention publique indirecte qui devait être déduite de la base du CIR.
Les juges considèrent que « Ce prêt constitue, quelles que soient ses clauses tenant à son remboursement (date, montant, terme, pénalités en cas de défaillance, exigibilité anticipée), son régime juridique et son traitement comptable, une subvention publique indirecte entrant dans le champ des dispositions de l’article 244 quater B III du code général des impôts (ci-après CGI) qui doit être déduite de la base du crédit d’impôt recherche, l’année de son versement, et qui reste au demeurant éligible au crédit d’impôt recherche pour l’année au cours de laquelle il sera remboursé. La circonstance qu’une subvention ne puisse être assimilée à un prêt, comme le relève la lettre du Trésor public du mois de mai 2012, est dans ce cadre sans incidence sur la déductibilité d’une subvention publique remboursable, des bases de calcul dudit crédit d’impôt. »
Il nous apparaît étonnant que les juges aient appuyé la position de l’administration et considéré par conséquent qu’un prêt à taux zéro devait être reconnu comme une subvention publique indirecte.
En effet, le prêt est un contrat synallagmatique entre un établissement de crédit et son client qui implique le remboursement par ce dernier à l’organisme financeur de la somme d’argent objet du prêt. Comme l’indique la requérante, la subvention n’est pas un contrat synallagmatique, puisqu’elle résulte d’un acte unilatéral dépendant de la volonté de l’administration. De plus, le fait que le prêt soit de toute façon remboursé par la société différencie ce type de financement d’une avance remboursable, qui ne sera remboursable que sous condition et qui pourra se transformer rétroactivement en subvention si la condition n’est pas remplie.
La déduction d’une subvention non remboursable ou d’une avance se justifie donc du fait que le contribuable peut percevoir une subvention et du CIR sur un euro de recherche engagé. Ce qui n’est pas le cas d’un euro de recherche engagé et financé par un prêt, ce dernier étant de toute façon remboursé par la suite. Les juges et l’administration font donc une interprétation extensive de la notion de subvention publique entrant dans le champ des dispositions de l’article 244 quater B II du CGI.
Avis d’experts : Même s’il ne s’agit ici « que » d’une décision de cour d’appel, elle s’inscrit dans la continuité d’une tendance de fond adoptée par l’administration fiscale dans le cadre des contrôles qu’elle opère. Il serait intéressant de voir si le conseil d’Etat partage cette interprétation.