Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit d’établir la fixité du dispositif de « planchonnement » de l’évolution des valeurs locatives des locaux professionnels telle qu’elle a été appliquée jusqu’à présent par l’Administration fiscale.
Cette modification ferait suite à une interprétation contraire du Conseil d’Etat en date du 13 novembre 2023 confirmée par une autre décision en date du 3 avril 2024. Elle s’appliquerait de manière rétroactive aux impositions dues à compter de l’exercice 2023.
Rappel des modalités de calcul de la valeur locative des locaux professionnels
Depuis 2017, les locaux professionnels autres qu’industriels sont évalués d’après la valeur révisée consistant à appliquer à leur surface un tarif issue d’une grille tarifaire d’après leur catégorie (en fonction de l’usage du local). Cette réforme a entraîné mécaniquement des variations par rapport aux bases imposées jusqu’en 2016, laquelle consistait à appliquer à la surface le tarif d’un local type évalué au 1er janvier 1970.
Aussi, pour assurer la neutralité de la réforme pour les collectivités locales, des coefficients de neutralisation ont été mis en place.
Pour les contribuables, la loi a créé deux mécanismes d’accompagnement, à savoir :
- un planchonnement, dont l’objet est de réduire de moitié l’écart entre l’ancienne valeur locative et la nouvelle valeur locative révisée neutralisée ;
- un lissage, qui permet d’étaler, sur une période de dix ans à compter de 2017, les variations de cotisations issues de la prise en compte des valeurs locatives révisées.
Remise en cause du caractère fixe du mécanisme de planchonnement par le Conseil d’Etat
L’application par les services de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) du dispositif du planchonnement s’effectue actuellement de manière « figée » par rapport à la valeur locative révisée au titre de l’année 2017. Le mécanisme de planchonnement n’est donc pas actualisé chaque année et ne tient ainsi pas compte d’éventuelles modifications de la valeur locative postérieures à cette date (à l’instar de l’application d’un coefficient de localisation décidée après 2017 par une commissions départementales des valeurs locative).
Dans une décision du 13 novembre 2023, statuant sur une demande de renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité, et confirmée par une décision du 4 avril 2024 statuant sur le fond du litige, le Conseil d’Etat a toutefois estimé qu’il résultait de la rédaction du III de l’article 1518 A quinquies du Code général des impôts (CGI) que le calcul du planchonnement s’effectuait, au titre de chaque année entre 2017 et 2025, en comparant la valeur locative du local professionnel non révisée au 1er janvier 2017 à sa valeur locative révisée et neutralisée au titre de l’année concernée et non pas à « la valeur locative […] retenue pour l’établissement des impositions dues au titre de la seule année 2017 ».
Cette interprétation contradictoire du juge administratif a ainsi placé l’Administration fiscale face à un risque de contentieux de série contestant la fixité du planchonnement telle qu’appliquée par les services de la DGFiP. Une évaluation préalable réalisée par la DGFiP fait état de 87 affaires contentieuses en cours pour un montant total de 38,5 millions d’euros. Compte tenu du caractère récent des décisions du Conseil d’Etat, l’Administration fiscale anticipe un accroissement significatif du nombre de procédures contentieuses puisque près de 84,5 % des locaux professionnels révisés font l’objet d’un planchonnement communal, soit environ 3,1 millions de locaux. Sur ces locaux, 2,9 millions sont affectés par une augmentation de leur valeur locative, donnant un intérêt à agir à leurs propriétaires ou leurs exploitants pour former une réclamation.
L’Administration fiscale ne semble pas encore en mesure de prévoir le montant prévisionnel des dégrèvements correspondant à ces contentieux qui sont donc à la charge de l’Etat et qui pourraient représenter une somme très importante. Cet état de fait place également les collectivités dans une situation d’instabilité quant à la prévisibilité de leurs ressources fiscales.
Dispositif proposé
Tirant les conséquences de la décision du Conseil d’Etat et de l’impossibilité pour l’Administration fiscale de procéder, en gestion, à la mise en œuvre d’un « planchonnement glissant », le présent article modifie l’article 1518 A quinquies du CGI afin de rétablir pour les impositions directes locales dues à compter de 2023 la fixité du planchonnement telle qu’elle a été appliquée jusqu’à présent.
Ainsi, pour les impositions dues au titre des années 2023 à 2025, le planchonnement devrait s’effectuer en comparant la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 à la valeur locative révisée au 1er janvier 2017.
La rétroactivité proposée de la mesure s’appliquerait aux impositions dues au titre des années 2023 et 2024 à l’exception de celles contestées avant le 10 octobre – date de présentation du présent projet de loi de finances pour 2025 en Conseil des ministres – et des décisions de justice passées en force de chose jugée.
Un risque d’inconstitutionnalité ?
Selon les débats parlementaires, la rétroactivité de la mesure pourrait faire courir un risque d’inconstitutionnalité. Le juge constitutionnel a en effet toujours affirmé un principe de non-rétroactivité des lois en matière répressive et ne l’admet dans les autres matières qu’en cas de « motif d’intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ». De son côté, la DGFiP estime que « pourrait constituer un motif d’intérêt général suffisant la volonté d’éviter un désordre dans le fonctionnement des services publics ».
Par ailleurs, dans sa décision du 13 novembre 2023, le Conseil d’Etat a estimé que le dispositif de planchonnement, tel qu’il résulte des dispositions du III de l’article 1518 A quinquies du CGI, n’institue pas « une différence de traitement méconnaissant les principes d’égalité devant la loi fiscale et d’égalité devant les charges publiques » au détriment des contribuables ayant vu le coefficient de localisation de leur parcelle fixé après 2017, dès lors que le calcul du planchonnement est actualisé chaque année. La nouvelle rédaction du III, confirmant la fixité du planchonnement à rebours de l’interprétation du juge administratif, pourrait donc être censurée en conséquence. Mais un tel risque apparaît plus faible que le précédent car le Conseil d’Etat a jugé, à propos du dispositif de lissage qui est institué de manière figée au 1er janvier 2017, que celui-ci entraîne certes « une différence de traitement » mais que cette dernière « ne résulte pas de la loi fiscale mais d’une éventuelle carence dans la mise en œuvre des dispositions […] relatives à la détermination des valeurs locatives [des locaux professionnels] », en particulier en ce qui concerne l’application des coefficients de localisation.
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