Dans un récent billet, nous avions rendu compte des conclusions prononcées par la rapporteure publique devant les 9e et 10e chambres réunies du Conseil d’Etat à l’occasion de l’examen du pourvoi formé par la société SVS La Martiniquaise s’agissant d’une question inédite de procédure relative aux taxes foncières.
Par une décision n° 467 615 rendue ce 15 janvier 2025, le Conseil d’Etat confirme en tous points les conclusions de sa rapporteure publique et considère qu’en matière de taxes foncières, dès lors que le droit de reprise de l’Administration fiscale ne peut s’exercer, en tout état de cause, que jusqu’à la date de mise en recouvrement fixée, en vertu de l’article 1416 du Code général des impôts (CGI), au plus tard au 31 décembre de l’année suivant celle de l’imposition, le droit spécial de réclamation que confère au contribuable l’article R.* 196-3 du Livre des procédures fiscales (LPF) ne peut s’exercer, lui aussi, que jusqu’à cette date. Il en résulte que le contribuable ne peut contester une imposition primitive de taxe foncière mise en recouvrement l’année d’imposition, que jusqu’au 31 décembre de l’année suivante, en vertu du délai de réclamation de droit commun prévu à l’article R.* 196-2 du LPF comme du délai spécial prévu à l’article R.* 196-3 du même Livre.
Par suite, toujours selon le Conseil d’Etat, en jugeant que la réclamation présentée le 27 juillet 2012 par la société SVS La Martiniquaise pour obtenir la réduction, d’une part, de la cotisation primitive de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2010 et qui a été mise en recouvrement en 2010, et, d’autre part, du complément d’imposition à laquelle, dans le délai de reprise prévu à l’article L. 173 du LPF, elle a été assujettie au titre de la même année et mise en recouvrement en 2011, était tardive en tant qu’elle était relative à la cotisation primitive, et, par suite, irrecevable dans cette mesure, la Cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit.
Ce rejet du pourvoi de la société SVS La Martiniquaise ne laisse pas d’interroger dès lors qu’il aboutit à priver de tout effet utile l’article R.* 196-3 du LPF en matière de taxes foncières (mais aussi de taxe d’habitation).
On rappellera à cet égard qu’en vertu d’une jurisprudence bien établie de la Haute juridiction administrative, l’acte par lequel l’Administration informe le contribuable du rehaussement des bases d’imposition interrompt la prescription et, conformément à l’article R.* 196-3 du LPF, fait courir un nouveau délai à l’encontre des impositions primitives (CE, 9e et 10e ss-sect., 13 octobre 2000, n° 189 505, SA Marin ; V. ensuite CE, 9e et 10e ss-sect., 4 juillet 2001, n° 206 319, Sté civile Uracoop ou CE, 9e et 10e ss-sect., 25 avril 2003, n° 245 223, SNC Fapagau).
D’un point de vue juridique, il est difficile d’admettre qu’au motif – proposé par la rapporteure publique et retenu par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 15 janvier 2025 – de combiner l’article L. 173 du LPF et l’article 1416 du CGI, l’article R.* 196-3 du LPF soit privé d’effet. Plus avant, si un délai spécial a été prévu par le législateur, la combinaison de règles générales ne saurait conduire à le rendre inapplicable.
Surtout, d’un point de vue pratique, la solution adoptée – en tant qu’elle est fondée sur l’idée selon laquelle la prescription n’est interrompue ni par l’envoi d’une notification informant le contribuable de l’intention de l’Administration de l’assujettir à un supplément de taxe, ni par l’émission d’un rôle supplémentaire – risque de permettre que soit porté atteinte au droit au recours des contribuables. En effet, il suffira à l’avenir, pour l’Administration, d’attendre la fin du mois de décembre de l’année qui suit l’imposition pour exercer son droit de reprise sans que le contribuable ne puisse exercer son droit de rétorsion à l’encontre de l’imposition primitive.
L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat ce 15 janvier 2025 marque donc un recul par rapport à la jurisprudence SA Marin susvisée en matière de taxes foncières (et de taxe d’habitation).
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Article rédigé par :
Aymeric GIVORD – Expert en fiscalité locale
Consultant depuis 2002, Aymeric a collaboré avec des experts renommés pour faire évoluer la jurisprudence en faveur des contribuables. Avec ses équipes, il est notamment à l’origine de l’arrêt de Plénière fiscale « SA GKN Driveline » (CE, 11 décembre 2020, n°422 418). Il analyse la fiscalité des établissements industriels, des locaux professionnels et certains locaux d’habitation pour proposer des optimisations et accompagner ses clients dans les démarches, y compris en contentieux.
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