Quelles sont les règles applicables précisées par la Cour administrative d’appel de Lyon en matière d’espaces verts jouxtant un établissement industriel ?
Dans une décision de principe rendue en 2008, le Conseil d’Etat a dit pour droit que, dans le cas d’une construction accueillant une activité professionnelle, une dépendance de cette construction ne peut être regardée comme lui étant indispensable que si elle est directement nécessaire à l’exercice de l’activité professionnelle (CE, 6 juin 2008, n° 287 941, SNC Foncimarine). Dans cette affaire, des espaces verts entourant un local commercial à usage de restaurant, bien que présentant un agrément pour les clients, ont été jugés non directement nécessaires à l’activité de restauration accueillie par cette construction, excluant la qualification de dépendance indispensable et immédiate.
En toute logique, la Cour administrative d’appel de Lyon réitère cette solution à propos d’espaces verts jouxtant un établissement industriel.
Analyse de la décision par notre expert fiscaliste
Contexte
Au cas particulier, la société Lustucru Frais, qui exerce une activité industrielle de fabrication de pâtes alimentaires, avait demandé par voie de réclamation une réduction de ses taxes locales, soutenant que des réserves d’extension constituées d’espaces verts non bâtis devaient être exclues de la base imposable.
Position de l’Administration
Pour tenter de faire échec à la jurisprudence du Conseil d’Etat SNC Foncimarine (précitée), l’Administration fiscale s’était notamment fondée sur l’existence d’un îlot de propriété d’un seul tenant appartenant au même propriétaire pour en conclure que la valeur des parcelles d’assiette devait être évaluée globalement.
Elle se fondait à cet égard sur les dispositions de l’article 1494 du Code général des impôts et de l’article 324 A de l’Annexe III au même Code, ce dernier texte précisant, s’agissant des établissements industriels, que la propriété normalement destinée à une utilisation distincte s’entend de l’ensemble des sols, terrains, bâtiments et installations qui concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique (la fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte s’entendant pour sa part de l’établissement industriel dont les éléments concourent à une même exploitation).
Critique
Toutefois, les textes invoqués par l’Administration fiscale au soutien de ses prétentions avaient plutôt pour objet d’assurer une cohérence dans les méthodes retenues pour l’évaluation de propriétés ou fractions de propriété pour ce qui concerne la détermination de leur valeur locative, à la condition sine qua non qu’elles entrent au préalable dans le champ d’application de la taxe foncière sur les propriétés bâties, seule taxe dont ces dispositions ont pour objet de préciser les conditions d’application.
Solution
C’est donc sans surprise que la Cour administrative d’appel de Lyon a censuré la position de l’Administration fiscale. Voici l’extrait pertinent de l’arrêt commenté :
« Il résulte de l’instruction, et notamment des documents produits en appel par la requérante, composés de clichés photographiques représentant des vues aériennes du site de son activité sur la commune de Communay, ainsi que d’un tableau d’évolution du relevé cadastral de ce site au titre de la période 2014-2019, établi par un bureau d’études techniques, identifiant notamment les surfaces des espaces verts sur les différentes parcelles acquises auprès de la société d’équipement du Rhône et de Lyon ainsi que leurs superficies respectives, que ces espaces verts constituant des surfaces non bâties entourant les locaux industriels ainsi que leurs aménagements extérieurs, dont la requérante est propriétaire, ne sont pas directement nécessaires à l’activité accueillie par cette construction. Ce constat n’est pas sérieusement contesté par le ministre qui se borne à faire valoir que toutes les parcelles concernées par le terrain en litige supportent des constructions et des aménagements, que le découpage parcellaire d’origine a été conservé en l’état et que l’ensemble revêt une indiscutable unité, ces circonstances ne révélant pas, par elles-mêmes l’intention de la requérante d’utiliser ces biens pour son activité professionnelle. Ainsi, les terrains en litige ne peuvent être regardés ni comme une dépendance indispensable et immédiate du bâtiment abritant l’activité de la requérante ni comme employés à un usage commercial ou industriel. Enfin, si le ministre fait valoir que les terrains en litige concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique au sens de l’article 324 A de l’Annexe III au Code général des impôts, ces dispositions réglementaires ne peuvent légalement être interprétées différemment de la loi fiscale dont il est fait application ci-dessus. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que l’Administration fiscale a inclus ces espaces verts dans la superficie retenue pour le calcul de sa valeur locative servant de base à son imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties ».
Implication concrète pour les entreprises
Les terrains (espaces verts, réserves foncières, etc.) jouxtant l’établissement industriel mais n’étant pas directement nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle doivent être exclus du calcul de la valeur locative servant de base à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Les entreprises doivent donc bien penser à extourner de leur fichier d’immobilisations les terrains de pur agrément et demander à l’Administration fiscale, par voie de réclamation, qu’ils ne soient plus soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties. De son côté, l’Administration fiscale devra imposer les terrains en cause à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (dont les règles d’évaluation sont plus favorables), ce qu’elle omet très souvent de faire en pratique.
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Rôle des experts de G.A.C. Group et de ses avocats partenaires
Les experts de G.A.C. Group et ses avocats partenaires sont intervenus en qualité de conseil de la société Lustucru Frais. A l’origine, une première demande concernant la taxe foncière sur les propriétés bâties avait été soumise au Tribunal administratif de Lyon qui, sans analyser la pertinence de la question posée, s’était borné à juger que la société requérante n’avait versé aux débats aucune pièce à l’appui de ses allégations.
Le pourvoi en cassation formé par la société Lustucru Frais contre le jugement ainsi rendu (la voie de l’appel n’étant pas possible dans ce litige) n’avait quant à lui pas été admis, le Conseil d’Etat estimant que le Tribunal n’avait ni statué ultra petita, ni méconnu le principe du contradictoire, ni dénaturé les pièces du dossier.
Afin de faire trancher la question de fond, la société Lustucru Frais avait alors été contrainte de déposer une nouvelle demande, concernant cette fois la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge, et qui a finalement donné lieu à l’arrêt commenté.
Le pourvoi en cassation formé par le ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté numérique n’a pas été admis par le Conseil d’Etat. L’arrêt ci-dessus commenté est donc devenu définitif.
Article rédigé par :
Clément CARRAY – Expert en fiscalité locale chez G.A.C. Group
Consultant senior en fiscalité locale, j'ai acquis mon expertise technique et spécifique dès la sortie de mon Master II. J'ai ainsi pu, depuis 2009, appréhender un panel exhaustif de situations particulières (plus de 100 missions traitées à l'année) et faire évoluer mon expérience au gré des évolutions/revirements législatifs, réglementaires et jurisprudentiels. Mon travail au quotidien consiste dans l'analyse des bases d'imposition de mes clients afin de leur faire part de préconisations et d'optimisations potentielles et les accompagner dans la mise en place de ces actions.
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