Le Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts (BOFiP-Impôts) vient de faire l’objet d’une mise à jour importante le 30 décembre 2024 afin de tenir compte, notamment, de plusieurs décisions de jurisprudence – dont le désormais célèbre arrêt SA GKN Driveline – concernant l’exonération permanente de taxe foncière sur les propriétés bâties applicable aux outillages et autres installations et moyens matériels d’exploitation des établissements industriels. D’autres modifications, dont la portée est loin d’être négligeable, sont également opérées. A noter que les Bulletins Officiels des Impôts (BOI) concernés par ces modifications sont signalés par la Direction générale des finances publiques avec la mention « Publication urgente ».
Intégration au BOFiP-Impôts de la jurisprudence SA GKN Driveline et de ses déclinaisons ultérieures
Les BOI-IF-TFB-10-10-10, BOI-IF-TFB-10-10-20 et BOI-IF-TFB-10-50-30 tirent les conséquences de l’arrêt de principe SA GKN Driveline rendu le 11 décembre 2020 par le Conseil d’Etat (CE, plén. fisc., 11 décembre 2020, n° 422 418) en rappelant :
- qu’entrent également dans le champ d’application de la taxe foncière sur les propriétés bâties les aménagements faisant corps avec une construction imposable en application des articles 1380 et 1381 du CGI (BOI-IF-TFB-10-10-10, n° 150, et BOI-IF-TFB-10-10-20, n° 1) ;
- que sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l’article 1382 du même Code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d’exploitation d’un établissement industriel, c’est-à-dire ceux de ces biens :
1) qui relèvent d’un établissement qualifié d’industriel au sens de l’article 1499 du CGI,
2) qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d’être exercées dans un tel établissement et
3) qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l’article 1381.
A propos de la deuxième condition susvisée, la nouvelle doctrine précise utilement, en se fondant sur un arrêt n° 450 247 rendu par le Conseil d’Etat le 23 juin 2022, que les biens dont il s’agit doivent être spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d’être exercées dans un établissement industriel, alors même qu’ils ne seraient pas spécifiquement adaptés à l’activité industrielle exercée dans l’établissement dans lequel ils se trouvent situés.
A titre illustratif, la nouvelle doctrine cite également plusieurs arrêts du Conseil d’Etat ayant admis ou refusé le bénéfice de l’exonération. Quatre décisions sont ainsi invoquées à propos de biens ouvrant droit au bénéfice de l’exonération :
- un arrêt nos 48 247, 55 568, 62 767, 68 326, 69 713, 70 403 du 25 juin 1986 concernant les tours de distillation, les fours, les échangeurs, les unités spécialisées et les installations de vapocraqueurs d’une raffinerie ;
- un arrêt n° 432 786 du 16 avril 2021 concernant un transformateur électrique ainsi qu’un tableau général basse tension et ses câbles d’alimentation répondant aux besoins particuliers, notamment en termes de puissance, d’un établissement spécialisé dans le traitement et le revêtement des métaux ;
- un arrêt n° 452 216 du 25 juillet 2022 concernant les bassins de décantation, le bassin de roseaux et l’installation électrique d’un centre de tri et d’enfouissement de déchets ;
- un arrêt n° 456 646 du 16 décembre 2022 concernant le fossé filtrant et le parc de raclure ainsi que les installations relatives à l’éclairage du site et à la distribution électrique utilisés notamment pour le déchargement à quai de nuit d’un établissement spécialisé dans le secteur de la manutention portuaire.
A contrario, les cas de biens non éligibles à cette exonération sont pour leur part illustrés par les décisions suivantes de la Haute juridiction :
- deux arrêts rendus le 16 avril 2021 sous les nos 436 000 et n° 438 215 à propos de stores intérieurs à lamelles ou enroulables, un système de chauffage et de climatisation, un système anti-tartre et des installations de détection et de protection incendie d’un entrepôt spécialisé dans le commerce de gros de fruits et légumes ;
- un arrêt n° 453 025 du 25 juillet 2022 qui concerne les frais de découverte et de clôture d’une carrière ;
- un arrêt n° 456 646 du 16 décembre 2022 visant des immobilisations relatives aux portails d’accès d’un établissement spécialisé dans la manutention portuaire qui ne sont pas spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d’être exercées dans un établissement industriel, quand bien même elles concourent à celles-ci.
Autres modifications du BOFiP-Impôts
Refonte de la doctrine administrative relative aux installations destinées à abriter des personnes ou des biens et aux installations de stockage
S’agissant des installations destinées à abriter des personnes ou des biens, la nouvelle rédaction du BOI-IF-TFB-10-10-20, n° 20, fait désormais référence à un arrêt nos 463 325, 464 485 et 465 193 rendu le 13 octobre 2023, aux termes duquel le Conseil d’Etat a jugé qu’une installation provisoire, constituée par des ensembles modulaires démontables et réutilisables, constitue une installation destinée à abriter des personnes présentant le caractère d’une construction constitutive de propriété bâtie imposable à la taxe foncière sur les propriétés bâties au sens des dispositions de l’article 1381 du CGI, dans la mesure où les ensembles en cause ne peuvent être regardés, compte tenu de leurs caractéristiques, comme ayant vocation à être déplacés.
S’agissant des installations de stockage, le n° 30 du même BOI est également réécrit pour tenir compte de deux arrêts rendus il y a plusieurs années par le Conseil d’Etat, le premier ayant considéré que des structures de stockage accolées de grande taille, constituées de charpentes en profilé aluminium bâchées et de poteaux ancrés au sol, doivent être assujetties à la taxe foncière sur les propriétés bâties compte tenu de leur importance, leur usage, leurs caractéristiques techniques alors que, même démontables, elles ne sont pas destinées à être déplacées (CE, 23 décembre 2010, n° 326 049), le second arrêt ayant en revanche jugé que des citernes à gaz de faible capacité présentant le caractère d’équipements légers faciles à déplacer et non celui de véritables constructions installées à perpétuelle demeure n’entrent pas dans le champ d’application de la taxe foncière sur les propriétés bâties (CE, 24 mars 2006, nos 267 393 à 267 399).
Mais le fait majeur de cette mise à jour réside assurément dans la suppression de la tolérance administrative qui, à titre de règle pratique, excluait du champ d’application de la taxe foncière sur les propriétés bâties les installations de stockage d’une capacité inférieure à 100 m3.
Exclusion de l’exonération prévue par l’article 1382, 11° du CGI s’agissant des cuves et bassins de grandes dimensions des stations d’épuration
Le BOI-IF-TFB-10-10-20, n° 40, qui étendait l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties prévue au 11° de l’article 1382 du CGI à toutes les cuves et bassins des stations d’épuration (sous-entendu quelles que soient leurs dimensions), est modifié à la suite d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai, 23 avril 2019, nos 16DA01285 et 16DA01293), rendu au passage plus d’un an avant l’arrêt de principe SA GKN Driveline précité. La Cour a en effet exclu de l’exonération ces installations, considérées, au regard de leurs caractéristiques (en l’occurrence des bassins de diamètres compris entre 6,5 m et 32 m, disposant de parois de hauteurs comprises entre 4 m et 6 m, pour des contenances variant entre 555 m3 et 4 150 m3, ayant été construits sans être simplement posés à même le sol), comme de véritables constructions au sens du 1° de l’article 1381 du CGI.
On rappelle que lorsque l’Administration a rapporté son interprétation d’un texte, il convient de se placer à la date du fait générateur de l’impôt pour apprécier quelle est la doctrine en vigueur ratione temporis. Au cas particulier, la nouvelle doctrine est donc applicable aux impositions établies à compter du 1er janvier 2025.
Exonération des mats des éoliennes
Les mâts des éoliennes sont désormais exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises quel que soit leur mode de conception (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023, de finances pour 2024, art. 142). Ces dispositions s’appliquent, depuis le 1er janvier 2024, à l’ensemble des mâts des éoliennes indépendamment de leur date d’installation.
Précisions sur certaines exonérations
Diverses précisions sont enfin apportées sur le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties et sur certaines de ses exonérations, notamment celle en faveur des immobilisations destinées à la production d’électricité d’origine photovoltaïque (CGI, art. 1382, 12°).
Article rédigé par :
Clément CARRAY – Expert en fiscalité locale
Consultant senior en fiscalité locale depuis 2009, Clément s'appuie sur une solide expertise pour traiter plus de 100 missions par an. Il conseille ses clients sur des optimisations fiscales et les aide dans la mise en place des actions adaptées.
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