Les facteurs de désengagement à l’origine de l’absentéisme

Le phénomène d’absentéisme est multifactoriel dans ses impacts tant internes qu’externes. Il est également multifactoriel dans ses causes (origines) et ses intentions (buts recherchés).

Même si les chiffres montrent que certains éléments comme le secteur d’activité, ont un impact sur le taux d’absentéisme, c’est sans doute moins le secteur d’activité que la nature du travail réalisé et les conditions de réalisation de ce travail qui sont impliqués dans cette corrélation.

De ce fait, le taux d’absentéisme est un indicateur synthétique qui condense différents facteurs physiques et psychosociaux qui interagissent les uns avec les autres.

Des responsabilités partagées : direction, ligne managériale, collaborateurs et représentants du personnel

Les dirigeants et le management

La première des missions d’une direction est de ne pas considérer son absentéisme comme une fatalité (dans son secteur d’activité, dans son entreprise, dans un service…). Si rien n’est fait, l’absentéisme ne peut que se dégrader : s’il existe c’est qu’il y a des raisons !

S’attaquer à ces raisons demande du courage managérial et souvent de mieux se confronter aux réalités des situations de travail.

C’est pour cela qu’agir pour mieux maîtriser son absentéisme exige, comme tout projet stratégique, un portage au plus haut niveau de l’entreprise ou de l’organisation pour que toute la ligne managériale se mobilise.

Le rôle de la direction est décisif pour challenger le projet sur des dimensions politique, temporelle, éthique et stratégique.

Cependant, le seul portage par la direction ne saurait suffire. Comprendre les caractéristiques et les manifestations de l’absentéisme – donc au plus près du terrain – peut seul permettre d’agir efficacement et dans la durée sur les mécanismes qui conduisent des salariés à s’absenter. L’absentéisme est donc aussi l’affaire de tous, collaborateurs et leurs représentants.

Les représentants du personnel

Les instances représentatives du personnel sont un lieu privilégié pour poser et débattre du sujet en interne. Le sujet de l’absentéisme est en effet un thème transversal qui peut nourrir utilement le dialogue social institutionnel. Il est notamment important de penser d’emblée dans le planning prévisionnel du projet l’articulation avec les instances de représentation du personnel.

Le représentant du personnel est utile pour challenger le projet sur des dimensions sociales et politiques.

Il ne doit pas remplacer ou occulter pour autant l’implication directe des salariés qui sont les seuls à connaître les contraintes et ressources des conditions de réalisation de leur travail, où tout se joue.

Les collaborateurs

Si les solutions étaient évidentes et simples, les problématiques d’absentéisme seraient résolues depuis longtemps et ne feraient plus encore parler d’elles.

Il n’y a pas LA solution, celle qui serait unique et répondrait à tous les critères. Il y a une solution à trouver collectivement parmi plusieurs possibles.

Elle émerge de débats en interne entre les différentes parties prenantes, aux premiers rangs desquels les collaborateurs directement concernés par les causes et raisons de l’absentéisme.

Le rôle des collaborateurs est majeur pour challenger le projet sur des dimensions organisationnelle, humaine, sociale et opérationnelle.

L’influence des conditions de réalisation du travail

Bien-être au travail : schéma général d’une systémique

La métaphore de l’iceberg est souvent utilisée pour représenter l’absentéisme comme sa forme émergée, visible de tous. Le coût de l’absentéisme a beau ne pas être visible directement dans les tableaux de reporting ou les comptes financiers de l’entreprise, ils sont pour autant bien réels.

On les retrouve dans l’augmentation des frais annexes de personnel, dans les baisses de production ou dans les baisses de chiffre d’affaires suite à la perte de clients mécontents d’une baisse de qualité ou d’un rallongement des délais, dans l’augmentation des taux de rebus, … tous, sont des effets induits de l’absentéisme.

L’absentéisme, face émergée de l’iceberg, est la conséquence de causes sous-jacentes relatives aux conditions de réalisation du travail.

Les buts recherchés peuvent être par exemple d’éviter d’être à nouveau confronté à des conditions jugées nuisibles pour sa santé physique et/ou mentale : un conflit avec sa hiérarchie ou un collègue, le sentiment de ne pas y arriver, de ne pas se reconnaître…

Les sept facteurs de désengagement au travail qui alimentent l’absentéisme

La catégorisation des conditions de réalisation du travail varie selon les auteurs, certains en retiennent quatre, l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la qualité de vie au travail du 19 juin 2013 en retient dix, le rapport du collège d’expertise Gollac sur les risques psychosociaux en identifie six…

Les facteurs de nature psychosociale sont déterminants dans le processus qui conduit des salariés à s’absenter et à se désengager. Aussi, nous nous appuyons sur les résultats du collège d’expertise en isolant le facteur environnement de travail comme une septième condition de réalisation du travail à part entière.

Nous détaillons ci-après comment ces sept conditions de réalisation du travail peuvent agir comme un facteur de désengagement des salariés. Il est à noter que ces conditions agissent le plus souvent en combinatoire de plusieurs d’entre elles et sont aussi possiblement différentes d’un salarié à un autre.

L’intensité du travail et le temps de travail

Cette catégorie regroupe les conditions de réalisation du travail qui concernent l’intensification du travail (faire dorénavant à deux ce qui était jusqu’à présent réalisé par trois personnes, avoir en responsabilité plus de projets avec moins de moyens ou sans moyen complémentaire…), la « charge » de travail, le rythme de travail, l’équilibre entre temps de travail et hors travail, l’organisation du travail, la complexification des tâches, le réalisme des objectifs…

Chacune de ces dimensions est susceptible de créer du désengagement de la part du collaborateur : la perception de ne pas pouvoir y arriver, de se sentir débordé, d’être contraint à faire du travail « ni fait ni à faire » …

Les exigences émotionnelles

Cette catégorie rassemble les conditions de réalisation du travail qui mettent en contact avec du public et tout particulièrement du public mécontent (accueil, maintenance, SAV, centres d’appels, …) et/ou de la souffrance humaine (univers de la santé, de la dépendance, du social) ou animale (laboratoires, abattoirs, …).

Elle regroupe aussi les conditions où il faut masquer ses émotions et/ou qui confrontent les salariés au sentiment de peur. Ces facteurs de risque, historiquement présents dans le secteur des services s’étendent aujourd’hui à tous les secteurs et notamment à l’industrie avec la dite « servicialisation » de l’économie où le client/utilisateur devient coproducteur aussi du service.

Ces facteurs sont tous susceptibles de créer du désengagement de la part du collaborateur du fait de l’extrême implication personnelle du collaborateur en jeu.

L’autonomie et la polyvalence

A l’heure où l’entreprise agile s’impose de plus en plus comme une évidence, l’autonomie (avoir une latitude décisionnelle, avoir le choix dans la façon de procéder) est souvent valorisée comme vecteur de motivation des collaborateurs, d’implication et d’engagement des collaborateurs. Cependant, une trop grande autonomie dans laquelle le collaborateur est plus abandonné à lui-même pour trouver des solutions, faire des arbitrages qui dépassent son périmètre de responsabilité ou compenser des zones de non droit dans l’organisation est à l’opposé plus susceptible de générer du désengagement.

La question de l’autonomie appelle aussi la question de la qualification et plus spécifiquement celle des compétences : avoir un travail qui ne permet pas de développer ses compétences, d’enrichir ses connaissances ni de déployer de nouveaux savoir-faire est plus susceptible de générer du désengagement. La polyvalence est aussi un facteur qui traditionnellement a visé l’enrichissement des postes. Mais à l’inverse une tendance à une trop large polyvalence peut générer une perte d’identité professionnelle et le sentiment de faire un peu tout sans acquérir ou conserver « un vrai métier », ce qui est susceptible là aussi de générer une problématique du désengagement.

L’environnement de travail

Cette catégorie concentre toutes les ambiances physiques du travail : avoir suffisamment de lumière, être dans un environnement sonore confortable, bénéficier de matériels et d’équipements fonctionnels et adaptés à son activité, à sa morphologie… L’attention portée à l’environnement a un impact direct sur la santé des collaborateurs (chaleur, froid, travail de nuit, travail en horaires décalés…).

Ces facteurs ajoutés à d’autres facteurs notamment à des aspects de rapports sociaux au travail, de charge de travail, de reconnaissance peuvent alimenter un désengagement des collaborateurs.

Les rapports sociaux professionnels

Cette catégorie réunit deux grands types de facteurs qui vont se compenser les uns les autres ou au contraire créer un effet multiplicateur :

–          Les rapports entre collègues

Si le collaborateur ne se sent pas impliqué au sein d’une équipe ou s’il considère qu’il ne peut pas compter sur le soutien de ses collègues, qu’il faut se méfier de ses collègues… cela va engendrer des tensions et de la compétition au sein d’une même équipe et générer du désengagement. A l’inverse, s’il se sent appartenir à une équipe, l’ambiance de travail sera propice à la coopération, à l’entraide et à la solidarité, vecteurs de performance.

–          Les rapports avec sa hiérarchie

De la même façon, si le manager considère sa mission comme principalement du domaine du contrôle ou de la sanction ou s’il vient en soutien, en développant les compétences et la confiance de son équipe, cela va générer soit de la frustration soit favoriser une dynamique de travail porteuse de créativité et de prises d’initiatives.

Un manque de feedback de la part du manager, que ce soit en termes de critiques constructives ou d’appréciations positives est vécu comme une source de frustrations majeures pour le collaborateur.

Le manager a un impact essentiel sur la qualité des rapports entre collègues au sein de son équipe.

Les conflits de valeur/le sens du et au travail

Cette catégorie regroupe les facteurs qui amènent des collaborateurs à devoir faire des actions ou tenir des propos en contradiction avec leurs valeurs personnelles (devoir vendre des produits inadaptés aux besoins de leur interlocuteur, à devoir s’en tenir à un script tout en étant conscient que cela ne répond pas à la demande du client, …), à ne trouver aucun sens à leur travail, à être dans l’incapacité de faire un « travail bien fait » (qualité empêchée) ou à avoir le sentiment de faire des tâches inutiles.

Ces éléments qui engagent fortement la subjectivité de chacun sont susceptibles d’entraîner rapidement des phénomènes de protection et de désengagement de la part des collaborateurs.

L’insécurité de la situation de travail

Cette catégorie rassemble tous les éléments qui ne rendent pas l’avenir du collaborateur serein (contrat de travail précaire, absence de perspectives relatives à son emploi, son métier, sa carrière, son service, son entreprise, …) et/ou qui sont générateurs de fortes inquiétudes (changements annoncés ou soupçonnés, incompréhension ou non visibilité de la stratégie suivie, restructurations, …).

Le désengagement des collaborateurs, même s’il n’est pas tout de suite et directement visible peut être une conséquence d’une communication qui n’est pas assez portée en interne sur ces différents éléments.

Cela est particulièrement le cas quand les motivations en jeu dans les changements n’apparaissent pas de façon assez claire aux yeux des collaborateurs.

L’ESSENTIEL À RETENIR

Les conditions de réalisation du travail sont essentielles dans le processus qui conduit un salarié à être absent ou à se désengager : l’intensité et le temps de travail, les exigences émotionnelles, le manque ou le trop d’autonomie / de polyvalence, un environnement de travail inadapté, des rapports socio-professionnels se dégradant, un désaccord sur les valeurs du travail et l’insécurité de la situation de travail.

Pour agir sur l’absentéisme, il est primordial que cela devienne un objet COMMUN de préoccupation entre tous les acteurs de l’entreprise : un portage au plus haut niveau de l’entreprise afin que toute la ligne managériale se mobilise, l’implication des collaborateurs et des représentants du personnel.

L’objectif final est de trouver un compromis COLLECTIVEMENT sur les conditions de réalisation du travail à faire évoluer favorablement.

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