Constat : frilosité des investisseurs pour les startups du secteur agri-agro
Comment innover alors que de moins en moins d’argent est investi dans les startups ? La question s’est posée lors de la 7e édition du LFDay by La Ferme Digitale, l’événement phare de l’écosystème agricole et alimentaire innovant, le mardi 13 juin dernier à Paris. En effet, plusieurs entrepreneurs du secteur agroalimentaire ont fait ce constat : la filière agri/agro n’échappe pas à cette tendance.
Les investissements ont pourtant connu un véritable essor pendant la pandémie du Covid-19 ; le capital-risque a grimpé en flèche dans le numérique. Après une période d’exceptionnelle abondance en 2021, les investisseurs semblent sortir d’une bulle depuis mi-2022, en privilégiant les startups déjà présentes dans leur portfolio et ainsi garantir un retour sur investissement plus rapide. Aux États-Unis et en Europe, le marché du capital-risque est à présent revenu à son niveau de 2020.
Particularités et résilience du secteur agroalimentaire face aux problématiques d’investissement
Le secteur agricole et agroalimentaire a la singularité de travailler avec le vivant, ce qui nécessite souvent un CAPEX (dépenses d’investissement) initial élevé et un temps d’incubation potentiellement long (exemple : tests de faisabilité, essais au laboratoire et au champ, etc.). C’est particulièrement le cas pour les entreprises spécialisées en biotechnologies ou en santé. Le temps de retour sur investissement est nécessairement plus long en comparaison avec d’autres industries. Le secteur agri/agro est donc probablement perçu comme « trop risqué » par les investisseurs.
Toutefois, cette prise de risque plus importante est largement compensée par les forts enjeux sociétaux et environnementaux de la filière. Ce secteur, essentiel pour l’existence humaine, est confronté à plusieurs problématiques complexes telles que le changement climatique, la pollution, la gestion des déchets, l’évolution des tendances de consommation, ou encore la volatilité des marchés des matières premières. C’est pourquoi une forte résilience est observée au sein de la filière, et ce malgré la réduction des investissements. En effet, le secteur a enregistré des investissements en hausse en ce qui concerne les technologies pour le climat, telles que l’agriculture connectée, les bioénergies et les biomatériaux, ainsi que l’agriculture de précision.
Conseils aux entrepreneurs de la filière agri-agro pour convaincre les investisseurs
Lors de l’événement #LFDay du 13 juin 2023, le panel d’experts animé par Paolin PASCOT, co-fondateur de La Ferme Digitale, a mis en évidence plusieurs tendances :
- Afin d’améliorer l’attractivité du secteur agri-agro pour les nouvelles générations, il est important de démocratiser et créer plus de fluidité dans l’accès aux actifs (accès aux terres, ou CAPEX par exemple) ;
- Les investisseurs sont de plus en plus intéressés par le revenu réel (« free cash flow »), le temps de retour sur investissement et la proposition de valeur du projet aux clients. L’intérêt pour les prédictions futures de croissance du marché cible semble secondaire.
- Les conseils prodigués aux entrepreneurs qui cherchent des investissements : préparez un dossier clair et concis par rapport au client/marché cible, travaillez votre proposition de valeur, la composition de l’équipe et la propriété intellectuelle sont également très étudiées. Les « soft skills» les plus valorisées par les investisseurs sont la transparence et le sens de l’écoute.
Quelles sont les autres opportunités de financements pour les entreprises de la filière agri-agro ?
D’autres stratégies de financement complémentaires peuvent être envisagées selon l’état de développement de votre projet d’innovation :
- La mise en place des partenariats avec les instituts de recherche, dans l’objectif de lever des verrous scientifiques et technologiques. Des expertises et d’aides financières sont disponibles pour soutenir les entrepreneurs dans ces démarches, le dispositif fiscal CICo a d’ailleurs été créé dans cet objectif. Vous pouvez également identifiez facilement les experts académiques sur vos sujets de R&D grâce à la plateforme d’open innovation ideXlab ;
- Les aides fiscales et sociales, telles que le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI), les crédits d’impôt de recherche (CIR) et d’innovation (CII), qui peuvent financer une partie des dépenses engagées dans les activités de R&D ou d’innovation (dépenses de personnel, amortissements, prestations des organismes agréés) ;
- Les aides et subventions publiques, telles que les appels à projets (AAP) ou appels à manifestation d’intérêt (Ami), les programmes d’investissement territorialisés ou encore les fonds de développement industriels, tels que « SPI – Sociétés de Projets Industriels ». Retrouverez l’éventail des appels à projets en cours pour le secteur agroalimentaire dans notre infographie dédiée ;
- La levée de fonds auprès des organismes spécialisés, notamment pour les projets à fort impact social/environnemental (protéines alternatives, agriculture régénératrice, bioénergie, biomatériaux).
Cet article est rédigé par Lethicia MAGNO, consultante innovation spécialisée dans le secteur agricole et agroalimentaire
- CB INSIGHTS. 2023. The State of Venture in 5 charts: Funding and deals continue their slide in Q1’23 to pre-pandemic levels.
- CCI Paris. Synthèse : Comment financer un projet d’innovation ?
DigitalFoodLab. Investments, innovation and trends report on the state of the European FoodTech in 2023.- The Pragmatic Engineer. 2023. The State of Startup Funding in 2023.