Recension de jurisprudence rendue par les Tribunaux administratifs en matière de fiscalité locale : Mai et Juin 2025

Nous invitons nos lecteurs à découvrir la nouvelle mise à jour de notre rubrique dédiée : Sélection de jugements rendus par les Tribunaux administratifs. Cette édition intègre les nombreuses décisions publiées au cours des mois de Mai et Juin 2025, enrichissant ainsi les analyses juridiques et fiscales essentielles pour les professionnels.

Points clés de cette mise à jour :

Nombre de jugements recensés : plus de 80.

Sources : décisions rendues par les Tribunaux administratifs (TA) entre le 1er mai et le 30 juin 2025.

Résumé : les décisions analysées mettent en évidence une intensité soutenue du contentieux fiscal local, caractérisée par la stabilité des principes fondamentaux d’imposition tout en révélant plusieurs précisions notables apportées en matière d’évaluation, d’exonération et de garanties procédurales. Nous proposons ci-dessous un examen des jugements qui ont particulièrement retenu notre attention au cours de cette période, en raison de leur portée pratique ou de leur intérêt jurisprudentiel.

Etablissements industriels

Centrales à béton et constructions temporaires

Le TA de Lille (26 juin 2025, n° 2409428) estime qu’un bâtiment industriel temporaire sur chantier constitue une construction imposable à la taxe foncière (CGI, art. 1381). En revanche, la centrale à béton, directement liée à l’activité de production, est exonérée au titre des biens d’équipement spécialisés.

  • Jugement partiellement favorable – distinction entre bâtiment et équipement industriel.
Travaux et immobilisations

La société contestait l’intégration à l’assiette fiscale de travaux visant à remplacer des portions de chaussée dégradées et l’enrochement autour de ses installations industrielles. Le TA de Rennes (7 mai 2025, n° 2300641) considère que ces travaux, étendus et ayant un effet sur la durée d’utilisation et les caractéristiques physiques des installations, constituent des immobilisations et non des charges. La société ne peut donc pas les exclure des bases d’imposition ni se prévaloir du point 230 du BOI-IF-TFB-20-20-10-20, qui, selon le Tribunal, ne s’applique que si les travaux ne procurent aucune amélioration.

  • Jugement défavorable à la société – interprétation contestable de la doctrine administrative.
Exonération des biens d’équipement spécialisés (CGI, art. 1382, 11°)

Sont considérés comme biens d’équipement spécialisés des installations anti-incendie, circuits d’air comprimé, transformateurs et câbles d’alimentation (TA Lyon, 27 mai 2025, n° 2305218) ainsi que des portes automatiques et rapides (TA Châlons-en-Champagne, 20 juin 2025, n° 2200967). En revanche, restent exclus de l’exonération des cuves de stockage de vin car leur fonction principale est le stockage et non la transformation (TA Montpellier, 28 mai 2025, n° 2303293).

  • Ces jugements confirment ou précisent le champ de l’exonération prévue à l’article 1382, 11° du CGI.
Modalités d’application de l’article 1499-0 A du CGI

Le TA de Marseille (15 mai 2025, n° 2303679) précise que, pour la mise en œuvre de l’article 1499-0 A du CGI, la valeur locative d’un bien immobilier détruit antérieurement au 1er janvier d’une année N doit être exclue de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties établie au titre de cette même année.

  • Jugement favorable, bien que le Tribunal se trompe sur les valeurs locatives à comparer – il aurait fallu confronter la valeur locative calculée à partir du prix d’acquisition par le crédit-preneur à celle retenue au titre de l’année d’acquisition (déduction faite de la quote-part représentative de la valeur locative du bien immobilier détruit).
Notion d’unité d’évaluation et valeur locative plancher

Le TA de Nancy (16 juin 2025, n° 2201570) juge que les bureaux d’une société, bien que situés sur des parcelles distinctes et séparés par une route, font partie du même ensemble industriel, dès lors qu’ils concourent à son exploitation. Il confirme par ailleurs l’application de la valeur plancher de l’article 1518 B du CGI, la cession en litige constituant une véritable cession d’établissement.

  • Sur la notion d’unité d’évaluation, il est possible de s’interroger sur l’absence de contiguïté des parcelles en cause, la présence de la route étant susceptible d’introduire une rupture (V. rép. min. n° 25915 : JOAN 5 nov. 2013, p. 11615, Zimmermann). Quant à la notion de cession d’établissement au sens de l’article 1518 B du CGI, il apparaît que l’opération en cause portait également sur des éléments mobiliers permettant l’exercice autonome d’une activité.
Charge de la preuve en cas d’opérations de restructuration

Le TA de Nîmes (23 mai 2025, n° 2203017) allège la charge de la preuve pesant sur le contribuable devenu propriétaire d’un site ayant fait l’objet de plusieurs mutations : l’Administration ne peut exiger la preuve « négative » qu’aucune addition de construction n’a été réalisée sans en justifier elle-même la réalité.

  • Jugement favorable – renforcement des garanties du contribuable.
Méthode d’évaluation applicable

Le TA de Lyon (24 juin 2025, n° 2308210) considère que la méthode comptable (CGI, art. 1499) s’applique dès lors que la SCI propriétaire est soumise à l’impôt sur les sociétés, même si ce régime n’était pas en vigueur à la date d’acquisition du bien.

  • Jugement en l’espèce favorable – primauté de la situation effective au titre des années d’imposition.

Locaux professionnels

Garantie procédurale : consultation de la CIID

Le TA de Montreuil (12 mai 2025, n° 2204212) juge que, faute de consultation régulière de la Commission intercommunale des impôts directs en 2017, la valeur locative retenue par l’Administration doit être écartée. Il retient donc la valeur locative de 2016, ajustée par le coefficient annuel, pour le calcul des impositions 2019 à 2021 et accorde à la société une réduction de taxe foncière.

  • Jugement favorable – rappel du respect des garanties procédurales.
Changements d’utilisation ou de consistance et mécanismes atténuateurs

Le TA de Limoges (12 mai 2025, n° 2400595) juge qu’un changement d’utilisation (station-service transformée en lieu de dépôt) met fin aux mécanismes de planchonnement et lissage.

  • Jugement en l’espèce défavorable – application des articles 1518 A quinquies et 1518 E du CGI.

De son côté, le TA de Lille (5 juin 2025, n° 2200503) admet que l’ajout d’emplacements de stationnement ne constitue pas un changement de consistance justifiant l’exclusion de ces mécanismes.

  • Jugement en l’espèce favorable – solution toutefois à confirmer.
Fractions de propriété normalement destinées à une évaluation distincte

Le TA de Cergy-Pontoise (27 mai 2025, n° 2300805) constate qu’un bâtiment couvert et son espace extérieur, bien que voisins, peuvent être utilisés séparément et constituent donc deux fractions de propriété distinctes. En conséquence, ils doivent faire l’objet d’évaluations séparées : le bâtiment est classé en catégorie DEP2, et l’espace extérieur en DEP1, conformément aux articles 1498 du CGI et 310 Q de l’Annexe II à ce Code.

  • En ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels, est sans incidence la circonstance que les fractions de propriété fassent ou non l’objet d’une exploitation commerciale autonome.
Contestation de la valeur locative 1970

Le TA de Nice (15 mai 2025, n° 2201839) juge irrecevable la réclamation d’un contribuable contestant la valeur locative 1970 et le planchonnement de ses impositions, présentée après le 31 décembre 2018.

  • Ce jugement, qui pose un principe d’intangibilité des bases antérieures à la réforme entrée en vigueur en 2017, s’inscrit en parfaite contradiction avec la jurisprudence du Conseil d’Etat.
Travaux et maintien de l’assujettissement

Les TA de Bordeaux (28 mai 2025, n° 2302990) et de Paris (2 juin 2025, n° 2310345) confirment que des travaux, même lourds, n’entraînent pas la disparition du caractère bâti dès lors que le gros œuvre reste intact.

  • Jugements défavorables – stabilité de la jurisprudence sur l’article 1380 CGI.
Evaluation de terrains de centrales photovoltaïques

Le TA de Pau (16 juin 2025, n° 2303265) admet que la valeur locative d’un terrain supportant une centrale photovoltaïque peut être déterminée à partir du montant de la redevance du bail emphytéotique, compte tenu de l’usage spécifique.

  • Jugement en l’espèce favorable – approche pragmatique tenant compte du caractère particulier de l’exploitation (V. CE, 21 mai 2025, n° 476 026, Société Centrale Photovoltaïque de Boissières).

Locaux d’habitation

Vacance locative et article 1389, I du CGI

Selon le TA de Nice (15 mai 2025, n° 2302036), l’absence de location due à des facteurs économiques (post-COVID, tensions internationales) ne caractérise pas une vacance indépendante de la volonté du propriétaire.

  • Interprétation stricte de la vacance locative – pour une approche similaire concernant l’inexploitation d’un immeuble à usage commercial, V. TA Lille, 19 mai 2025, n° 2205301.
Modalités d’évaluation d’une résidence étudiante

Le TA de Cergy-Pontoise (12 juin 2025, n° 2302255) relève que les locaux en litige abritent une résidence étudiante composée d’appartements meublés loués à usage exclusif d’habitation, avec des services accessoires tels qu’internet, ménage ou laverie. Les étudiants disposent librement de leur logement, constituant ainsi leur résidence principale. Dès lors, l’immeuble doit être regardé comme principalement affecté à l’habitation au sens de l’article 1496, I du CGI, et l’Administration a donc à juste titre évalué sa valeur locative selon ce régime.

  • A noter que, pour l’application de l’article 1389 du CGI, les studios meublés que loue une société au sein de ses résidences étudiantes doivent être regardés, nonobstant la circonstance que ces résidences proposent, à titre de services annexes, l’accès à une laverie et la présence d’un concierge, comme des maisons normalement destinées à la location (CE, 26 juillet 2018, n° 404 237, Société Somabir).
Changement d’affectation et exonération temporaire

Le TA de Châlons-en-Champagne (26 juin 2025, n° 2300298) considère que la conversion de locaux professionnels en logements ne constitue ni construction nouvelle, ni addition, ni reconstruction, excluant l’exonération de deux ans prévue par l’article 1383 du CGI.

  • Jugement conforme à la doctrine administrative – seuls certains changements d’affectation ouvrent droit à exonération temporaire (V. CGI, art. 1383, III).

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Article rédigé par :

Aymeric GIVORD – Expert en fiscalité locale

Consultant depuis 2002, Aymeric a collaboré avec des experts renommés pour faire évoluer la jurisprudence en faveur des contribuables. Avec ses équipes, il est notamment à l’origine de l’arrêt de Plénière fiscale SA GKN Driveline (CE, 11 décembre 2020, n° 422 418). Il analyse la fiscalité des établissements industriels, des locaux professionnels et certains locaux d’habitation pour proposer des optimisations et accompagner ses clients dans les démarches, y compris en contentieux.

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