Les opérations de restructuration ou de réorganisation d’entreprises peuvent avoir des conséquences significatives sur les bases imposables utilisées pour le calcul des taxes locales. Pour éviter une baisse brutale des recettes fiscales à l’occasion de ces opérations, le Code général des impôts prévoit deux mécanismes dits de valeur locative plancher.
Le premier est défini à l’article 1518 B du CGI ; le second à l’article 1499-0 A. Ces deux dispositifs poursuivent un objectif commun : empêcher qu’une opération juridique ou financière ne conduise à une réduction artificielle de la valeur locative de biens industriels.
La valeur locative plancher de l’article 1518 B du CGI
Définition et objectif du dispositif
Créé par la loi du 10 janvier 1980, l’article 1518 B vise à garantir la stabilité des ressources des collectivités territoriales lors d’opérations de croissance externe réalisées par des entreprises industrielles.
Concrètement, il impose un seuil minimal : après la transmission d’immobilisations, la valeur locative retenue pour leur imposition ne peut pas descendre en dessous d’un certain pourcentage de la valeur locative constatée avant l’opération.
Opérations concernées
Le champ d’application du texte s’est progressivement élargi. L’article 1518 B couvre désormais :
1. Opérations initialement prévues :
- apports,
- scissions,
- fusions de sociétés,
- cessions d’établissement.
2. Extensions ultérieures :
- reprises d’entreprises en difficulté (procédures de sauvegarde, redressement ou liquidation),
- transmissions universelles de patrimoine (TUP) depuis 2010,
- cessions isolées d’immobilisations corporelles entre entreprises liées (depuis 2011).
Pour ces dernières, deux conditions doivent être réunies :
- Les immobilisations doivent rester rattachées au même établissement,
- Les entreprises doivent être liées au sens du contrôle direct ou indirect.
Les cinq taux planchers applicables
L’article 1518 B fixe différents taux selon la nature et la date de l’opération :
Situation | Taux plancher |
|---|---|
Opérations avant 1992 | 66% |
Opérations depuis 1992 + TUP depuis 2010 | 80% |
Entreprises en difficulté (année de la procédure + 2 ans) | 50% |
Opérations 2006–2010 entre sociétés d’un même groupe intégré | 90% |
Opérations depuis 2011 entre entreprises liées et cessions isolées | 100% |
Exemple de calcul
Une entreprise A détient un établissement depuis 2001. En 2024, cet établissement est apporté à une entreprise B non liée.
Pour la taxe foncière 2025, deux valeurs doivent être comparées :
- la valeur locative issue de la valeur d’apport,
- la valeur locative historique (prix de revient d’origine revalorisé) × 80 %.
La valeur la plus élevée devient la base imposable.
Des variantes existent : taux porté à 100 % pour les entreprises liées, ou abaissé à 50 % en cas de procédure collective.
Quelles sont les pratiques essentielles à adopter lors d’un contrôle ?
- Vérifier que l’opération relève du champ de l’article 1518 B
La jurisprudence, notamment l’arrêt Conseil d’État, St-Jacques, rappelle qu’une simple cession de locaux nus ne constitue pas une cession d’établissement. - Contrôler le taux retenu par l’administration
L’arrêt CE, Kem One (mai 2025) confirme qu’une succession d’opérations peut constituer une cession unique, évitant l’application du taux de 100 %. - Examiner l’historique complet du site
Une double application cumulative du plancher est possible : deux cessions successives à 80 % aboutissent à un taux global de 64 %.
Votre opération est-elle concernée ?
La valeur locative plancher de l’article 1499-0 A du CGI
Un dispositif plus récent
Introduit par la loi de finances rectificative pour 2008, l’article 1499-0 A vise trois opérations particulières :
- the crédit-bail immobilier,
- the cession-bail (lease-back),
- the cession-location simple.
Définition des opérations visées
Crédit-bail immobilier
Contrat de financement : une société de crédit achète ou construit un immeuble, le loue à une entreprise et peut lui en transférer la propriété à terme.
Cession-bail
Une entreprise vend son immeuble à un organisme financier et le reprend aussitôt en crédit-bail, afin d’améliorer sa trésorerie tout en conservant son usage.
Cession-location
L’immeuble est vendu puis repris en location « classique ». Une promesse de rachat peut être prévue au contrat.
Finalité de l’article 1499-0 A
La valeur locative industrielle étant calculée sur le prix de revient, une vente peut entraîner une diminution artificielle de cette valeur (si l’acquéreur comptabilise l’actif pour un montant plus faible).
Pour éviter cette baisse, l’article 1499-0 A impose un plancher :
- 1er alinéa : en cas d’acquisition par le crédit-preneur, la valeur locative des années suivantes ne peut pas être inférieure à celle de l’année d’acquisition.
- 2e alinéa : en cas de cession-bail ou cession-location, la valeur locative des années suivant la cession ne peut pas être inférieure à celle de l’année de cession.
Dans les deux situations, la valeur locative retenue l’année N devient donc un niveau plancher intangible pour les impositions futures.
Exemple concret : la décision SAS Rousseau
Pour illustrer l’application pratique de l’article 1499-0 A, nos experts fiscalistes, accompagnés de nos avocats partenaires ont accompagné la société SAS Rousseau dans un litige portant sur la valeur locative plancher de biens immobiliers acquis à la suite d’un crédit-bail.
Nous avons notamment :
- conseillé la société tout au long de la procédure en analysant la situation juridique et en élaborant la stratégie de défense ;
- apporté notre expertise en fiscalité locale pour contester la valeur locative plancher fixée par l’Administration,
- représenté la société devant l’Administration et les différentes instances juridictionnelles, avec l’appui de nos avocats partenaires.
Grâce à cet accompagnement, l’Administration fiscale a reconnu le bien-fondé des arguments de la SAS Rousseau et a procédé aux ajustements nécessaires. Ce cas concret illustre l’importance d’un conseil expert pour sécuriser les bases fiscales lors d’opérations complexes.
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Conclusion
Les articles 1518 B and 1499-0 A du CGI constituent deux outils essentiels pour sécuriser les bases d’imposition des collectivités lors d’opérations de restructuration ou de financement immobilier. Leur mise en œuvre requiert une analyse précise de l’historique juridique des actifs, de la nature de l’opération et des conditions de contrôle entre sociétés.
Dans un contexte où les opérations de restructuration et les montages financiers se multiplient, leur maîtrise reste indispensable pour anticiper correctement les impacts fiscaux et limiter les risques de redressement.
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